L’horoscope, une distraction populaire sans importance apparente qui pourraît bien avoir des répercussions sanitaires majeures.
Photo : Annonyme, XVIe s.
Dangereuses étoiles
La consultation de l’horoscope influe sur la santé
L’inoffensif horoscope serait-il dangereux pour la santé ? Un scientifique très respecté n’hésite pas à poser la question ni à demander aux autorités sanitaires, y compris l’Organisation mondiale de la santé, de prendre les mesures qui s’imposent. L’astrologie populaire n’est pas seule concernée par ce réquisitoire, le Tao te King, le Feng Shui et même la toute récente divination par SMS (« tu veux savoir si elle t’aime aussi ? appelle le 10001... ») semblent avoir des effets comparables.
L’horoscope est une science de divination pour le moins atypique. N’impliquant aucune forme de foi en une cosmologie clairement établie et ne disposant du soutien d’aucun appareil théorique — contrairement au « thème astral » qu’établissent les astrologues en fonction de la position des constellations et des planètes dans le ciel terrestre —, il se consulte gratuitement dans la grande presse et fournit à ses lecteurs des informations, des prévisions et des conseils généralement évasifs qui ne sont jamais accompagnés d’explications, de démonstrations, de preuves ni de références : « Bélier: une rencontre va vous étonner », « Cancer: de petits problèmes de santé sans gravité », « Taureau: le grand amour frappe à votre porte, ne le décevez pas », « Poisson: gardez votre calme quoi qu’il advienne ».
« Personne ne le prend au sérieux, mais tout le monde le lit, et c’est là que commencent les problèmes ! » annonçait récemment Nunzio Ghliforli devant une assemblée de psychothérapeutes venus du monde entier. D’après l’étude conduite par ce scientifique qui cumule les casquettes de psychiatre indépendant et de sociologue, il semble en effet que la lecture de l’horoscope soit une activité proprement irrésistible, c’est à dire que plus de 80% des personnes qui ont l’occasion de consulter un horoscope (parce qu’il est lu à la radio, montré à la télévision, imprimé dans le journal) ne peuvent s’empêcher de lire ou d’écouter ce qui concerne leur signe. De plus, si le pourcentage de gens qui affirment prendre les horoscopes au sérieux est infinitésimal, il semble que plus de 99% d’entre eux sachent quel signe astrologique correspond à leur date de naissance.
La connaissance de l’astrologie populaire est d’essence immanente, c’est à dire que son existence est soutenue par elle-même indépendamment de tout support académique ou expérimental : des phrases aussi banales que « toi, je parie que tu es bélier ! », même proférées à tort (la personne n’ayant qu’une chance sur douze d’« être » bélier), participent à maintenir vivante une culture de l’astrologie désespérante pour les praticiens sérieux qui voient là une trivialisation de leur art.
En effet, comme le dit Gérard Genest (« le mage Gérard », président d’honneur du salon de la voyance et du paranormal, espace Champerret) « Il est complètement absurde de réduire les personnalités humaines à 12 cas seulement - les douze signes du zodiaque -, ce serait trop facile, il existe en fait 36 types de personnes différentes, ni plus ni moins, car il ne faut pas tenir compte que de la période solaire de la naissance mais aussi de la position des autres astres ». On se réfèrera utilement à ce qu’en disait un grand spécialiste, A. Barbault : « (...) un jupitérien du Bélier comme Zola ne ressemble pas à un marsien du Bélier comme Van Gogh; (...) Il suffit de comparer leurs horoscopes pour comprendre ». On ne saurait mieux dire : Zola était un écrivain et un notable, Van Gogh était un peintre torturé, aucun rapport entre ces deux hommes.
L’horoscope fonctionne selon le célèbre « effet Barnum », aussi connu sous le nom de « validation subjective » ou encore « effet Forer » du nom de Bertram R. Forer, qui en a fait la découverte. Le principe de l’effet Barnum est qu’un individu lambda a tendance à considérer une description de sa personnalité comme fidèle et précise et à y adhérer, particulièrement si elle est évasive. Par exemple, lorsqu’on lit « à la fois aventurier et casanier, vous n’avez pas peur de prendre des risques mesurés », on se dit spontanément « c’est tout moi, ça ! » alors même qu’on devrait constater que la phrase comporte des propositions qui s’annulent ou qui, par leur accumulation, se vident de toute signification puisqu’être aventureux et être casanier sont deux états opposés, qui peuvent être vécus alternativement par une même personne mais ne permettent certainement pas la caractériser, et il en va de même pour « ne pas avoir peur » et « risques mesurés » qui, un peu plus subtilement, sont tout aussi absurdes lorsqu’on les utilise pour définir un caractère. Une autre caractéristique de l’effet Barnum, qui s’applique tout particulièrement aux horoscopes, c’est que les informations évasives sont d’autant plus acceptées comme pertinentes qu’elles sont censées procéder de données extrèmement précises : lieu, date et heure de naissance.
Pour Ghliforli, le public accepte sans problèmes son horoscope dans 95% des cas : puisqu’il ne nous dit rien de concret, que l’on y projette tout ce qu’on veut sur soi-même, quelle raison aurait le lecteur de se rebeller ? Seulement voilà, tous les rédacteurs d’horoscope ne sont pas dotés du même talent ou du même sens déontologique, et il en résulte des erreurs graves. Certains n’hésitent par exemple pas à se montrer exagérément précis, notamment dans les journaux quotidiens : ils promettent l’amour dans la journée (alors que certains le cherchent pendant toute une vie), émettent des doutes sur la sincérité du conjoint, donnent des conseils médicaux spécialisés... « Le lecteur de l’horoscope, s’il se retrouve à attendre, même sans trop y croire, un évènement précis, modifie son comportement. Il peut être victime d’un stress diffus qui le retient de faire certaines choses, ou au contraire, attendre avec plaisir un évènement qui n’arrive jamais et souffrir de la déception qui en résulte ». Certes, mais puisque nous savons que personne ne croit à l’horoscope, comment expliquer que cet inoffensif procédé de divination puisse modifier l’état psychique de ceux qui y sont très vaguement attentifs ? On pourraît imaginer que l’horoscopes se contente de fonctionner sur ses lecteurs comme un simple outil d’aide à la détermination : ne disant rien de précis, il permet à chaque sujet de se positionner, de s’affirmer, de sortir de l’indécidabilité.
« À un niveau cognitif, conscient, rationnel, oui, pourquoi pas. Mais les neurotransmetteurs et les neuromédiateurs ne l’entendent pas de cette oreille... » explique Ghliforli qui poursuit « ...Car c’est précisément au niveau neurologique que se constatent les différents effets néfastes de l’horoscope : attente, apathie, déception, stress, frustration, jalousie... ». Et on le sait, ceux-ci provoquent à leur tour un mauvais état psychique qui s’accompagne généralement des manifestations comportementales ou physiologiques pour le moins gènantes : irritabilité, exéma, chute des cheveux, étourderie, et, à long terme, fragilité face à plusieurs formes de cancers et aux problèmes cardiaques. Tout cela procède du suivi, sur trois ans, d’une population de plus de mille sujets, dont une moitié s’était engagée à ne lire aucun horoscope durant toute la période des tests et dont l’autre s’est au contraire engagée à le faire quotidiennement. Les résultats détaillés de cette étude se trouvent sur le site de l’université.
En bref, avant de lire son horoscope dans le journal du matin il vaut mieux être conscient des risques encourus. « Et cela s’applique sans doute aussi à la météorologie ! » précise Nunzio Ghliforli.

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Belinda S. Kapooh
(Physique)