Les ordinateurs ultra-portables qui rencontrent un succès mondial actuellement, comme le EEEpc de la marque Asus, devraient-ils tout à un ancien de chez France-Télécom ?
Photo : jnl (licence ArtLibre)
Scandale industriel
Les ultra-portables, une invention française ?
En France, c’est bien connu, on n’a pas de pétrole mais on a des idées. Seulement il y a un hic : les bonnes idées, on se les fait souvent « emprunter ». C’est ce qui est arrivée à toutes les grandes inventions françaises : le cinéma, inventé par les Frères Lumière mais breveté par Edison. La photographie, inventée par Nicéphore Niepce et volée par Jack Daguerre. La liste est longue : chemin de fer, automobile, télévision, avion, phonographe, ampoule à incandescence, Internet, ainsi que la plupart des sports à l’exception du Base-Ball, du Hand-Ball et du Foot-Ball américain. Les ordinateurs Ultra-portables communicants tels que l’Eee pc d’Asus et l’Olpc du MIT ne dérogent pas à la règle. Retour sur une affaire qui n’a pas fini de faire du bruit.
En parcourant le site blogeee.net, l’ingénieur français Gérard Jerdasse n’en croit pas ses yeux : l’ordinateur soi-disant révolutionnaire qu’annonce ce site n’est autre qu’une invention qui a près de vingt ans. Et Gérard Jerdasse est bien placé en parler, puisque cette invention, c’est lui qui l’a conçue. En effet, alors qu’il travaillait pour France-Télécom, Jerdasse a l’idée d’un ordinateur ultra-portable : il ferait moins d’un kilog (les portables de l’époque pesaient pas moins de 6 à 7 kilogs), son écran serait en millions de couleurs (et non en monochrome orange ou vert sur noir), extra-plat, et surtout, il serait dénué de lecteur de disquettes 5"1/4. « J’ai toujours trouvé les lecteurs 5"1/4 encombrants, les disques étaient bien trop grand, et puis trop fragiles », explique Gérard Jerdasse.
À l’époque, on parle encore peu d’Internet, et notre ingénieur envisage naturellement son invention — « mon bébé », ainsi qu’il l’appelle encore aujourd’hui — comme un minitel léger, pratique, et, ajoute-t-il, « bien plus rapide et beaucoup moins cher ».
Léger, en couleurs, communiquant, dénué de lecteur de disquettes, économique... ça ne vous rappelle rien ? Eh oui, l’invention de Gérard Jerdasse semble en avoir inspiré plus d’un.
Hélas, le « Nanotel » de Gérard Jerdasse ne verra pas le jour et la success-story tourne vite court. Le brevet qu’il dépose est refusé : ses dessins et ses explications par trop en avance sur leur temps ne suffiront pas à rattraper les lacunes du dossier... Pas plus qu’elles ne permettront d’excuser son retard de trois heures à un rendez-vous avec le receveur général des brevets. « J’avais pris huit jours de maladie pour venir à Paris et défendre mon invention, mais j’étais très fatigué, et sans doute un peu malade ». Monté à Paris pour la première fois de sa vie, il n’a plus ses repères, ne trouve pas son chemin dans le métro, se fait broyer le bras dans un bus et bousculer par des passants maussades et pressés sous une pluie humide. Des voyous lui cassent le figure et le laissent pour mort dans un caniveau car il refuse de leur donner son portefeuille : il ne l’aurait pas pu puisqu’il venait tout juste de se faire extorquer ses économies dans un bar à hôtesses de la Place Clichy !
Finalement rapatrié par le conseil général de la Creuse, Gérard Jerdasse retrouve avec soulagement la sous-préfecture d’Aubusson.
En dehors de ses collègues et de sa famille, personne n’entendra parler de son invention et il ne reste plus à Gérard Jerdasse qu’à retourner derrière le guichet du service facturation de l’agence qui l’emploie.
Pas amer pour deux sous, il n’abandonne aucun de ses rêves : « J’ai imaginé un ordinateur d’un genre révolutionnaire, qui marcherait sans clavier, grâce à la pensée ! ».
On ne peut que lui souhaiter bonne chance.

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Régis Chauvain
Notre correspondant scientifique en France